Analyse : "rétention de sûreté : rupture éthique"
C’est ainsi que notre pays s’apprête à rompre avec les principes affirmés dans la déclaration de 1789 selon laquelle nul ne peut être puni s’il ne s’est rendu coupable d’un fait réprimé par une loi, qui ne doit prévoir que des peines strictement nécessaires. Ce faisant, il tournera le dos à plus de deux siècles de progrès en matière pénale, dont la dernière étape fut l’abolition de la peine capitale. Celle-ci n’a pas seulement permis l’abandon d’un châtiment barbare, elle a eu le bienfait inestimable de ne plus déposséder un seul condamné, même coupable des actes les plus insoutenables, de l’espoir de recouvrer un jour la liberté après avoir «payé sa dette».
Et c’est précisément la certitude de cette libération qui constitue le ressort indispensable à tous les efforts de réadaptation exigés de lui et qui, seule, peut prétendre donner son sens à la peine que le législateur entend rayer d’un coup de plume.
Juristes, psychiatres, défenseurs des droits de l’homme ont exprimé leurs inquiétudes, rejoints par les aumôneries des prisons, unanimes. Loin de les entendre, le gouvernement n’a eu de cesse qu’invoquer les attentes des victimes et, plus largement, «des Français dans leur ensemble». Qu’il y soit attentif est légitime. Tout comme il est de sa responsabilité d’affirmer que le risque zéro en matière pénale n’existe pas. La rétention de sûreté, parce qu’elle ouvre la possibilité d’une relégation éternelle et assujettit la liberté individuelle à l’arbitraire d’un pronostic, constitue un renoncement aux valeurs qui fondent notre tradition humaniste. Cette logique d’élimination ne saurait être l’acte I de la «politique de civilisation» à laquelle le président de la République nous convie. L’OIP appelle les plus hautes autorités morales, scientifiques, juridiques, religieuses et politiques à interpeller le chef de l’Etat sur cette rupture éthique et philosophique inacceptable.