Les “primaires ouvertes”, dernière chance du PS ?

Publié le par Désirs d'avenir Paris 16

Le Monde - Puzzle socialiste - 27 avril 2009

Et si l’organisation de primaires ouvertes aux sympathisants pour désigner le
porte-drapeau socialiste en 2012 constituait la dernière chance du PS ? La
dernière chance de remporter la présidentielle mais aussi d’échapper à un
inexorable déclin. De Manuel Valls à Arnaud Montebourg en passant par Piere
Moscovici, ils sont nombreux à s’en dire persuadés. Non pas que les primaires
constituent une panacée. Ce mode de désignation, perfectionné par les
américains, les grecs ou les italiens dans des contextes très différents
représente, selon ses partisans, une condition nécessaire mais pas suffisante
pour revitaliser la gauche. En revanche, pour ses détracteurs, de telles
primaires placeraient le PS sur une pente savonneuse et en feraient un ersatz du
parti démocrate américain. Loin de la tradition séculaire de la gauche
française.
S’il est une question qu’il faudra bien trancher dans un proche avenir, c’est
bien celle-là. D’ailleurs, la discussion est déjà officiellement lancée. Un
groupe de travail (animé par Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand, président de
la fondation Terra Nova) réunit chaque semaine des représentants de toutes les
sensibilités du PS afin de baliser le terrain. Fin juin ou mi-juillet un rapport
dressant l’inventaire des points de convergence et de divergence sera présenté
devant le Bureau national. Il servira de base aux débats qui devront déboucher,
en décembre, dans le cadre de la convention nationale de la rénovation. A l’orée
d’un débat qui devrait rebondir dans les mois qui viennent, on peut d’ores et
déjà passer en revue les tenants et aboutissants de ces primaires ouvertes.

LES ATOUTS– Inviter les électeurs de gauche à choisir, sans intermédiaire, celui
ou celle qui portera leurs couleurs face au président sortant constituerait un
formidable levier pour lancer la candidature socialiste plaident les convaincus.
Fort(e) d’un soutien populaire – on évoque la participation de quatre millions
d’électeurs – autrement plus large que celui engendré par le vote de 200 000
adhérents du PS en 2006, le ou la candidat(e) bénéficierait d’une légitimité
considérable et d’une vraie « vitesse acquise » au moment de lancer sa campagne.
Ces serait aussi un bon moyen de faire le plein des voix de gauche dés le
premier tour. Face à Nicolas Sarkozy investi par l’UMP sans réel concurrent,
François Bayrou désigné par Marielle de Sarnez et Olivier Besancenot intronisé
par un NPA au fonctionnement guère moins archaïque que feue la LCR, le candidat
socialiste pourrait se prévaloir de l’onction démocratique. En outre, ces
primaires ouvertes aux sympathisants imposeraient au PS de sortir de ses enjeux
internes pour s’ouvrir enfin vers l’extérieur en mettant en exergue des éléments
de débat susceptibles de concerner l’opinion de gauche. L’antithèse du congrès
de Reims, en quelque sorte. Last but not least, cette consultation à laquelle
les participants s’inscriraient contre le versement de 5 ou 10 euros permettrait
de financer la campagne électorale grâce à un système de « petits dons ». Comme
celle de Barack Obama, pardi.

LES RISQUES – A contrario, les adversaires des primaires font valoir que ce
système qui n’a eu d’effet positif qu’une fois sur deux en Italie enfermerait
pendant plusieurs mois le PS dans une campagne électorale interne, forcément
éprouvante, éventuellement déprimante et d’autant plus violente qu’elle se
tiendrait sur la place publique. En fait, leur principale objection porte sur la
conception du parti induite par un choix qui aboutirait de facto à retirer aux
adhérents du parti socialiste la responsabilité de choisir leur présidentiable.
Contraint de complaire aux sympathisants, ce dernier serait immanquablement
tenté de se fier plus volontiers aux sondages qu’aux fruits des réflexions de
l’intellectuel collectif que constitue le parti. Bref, le PS deviendrait un
rassemblement de supporteurs chargés de coller des affiches et de faire du porte
à porte une fois tous les cinq ans. Risque connexe; augmenter le risque de voir
le candidat, consacré par les sympathisants, se dresser ccontre la direction du
parti, élue par les militants.

LES QUESTIONS A TRANCHER
– Elles sont nombreuses et touchent au calendrier
(opter pour le printemps ou l’automne 2011 ?), à des considérations techniques
(pourra-t-on voter via internet ?) et, surtout, politiques. Certains suggèrent
d’élargir la primaire aux autres partis de la gauche. Hypothèse peut
envisageable dans la mesure où ces derniers seraient quasiment sûrs d’être
battus tout en se privant des aides publiques liées à une candidature
présidentielle. D’autres interrogations surgissent. Quels critères de sélection
adopter pour faire émerger les candidats à la candidature et organiser leur
confrontation publique ? Organisera-t-on un ou deux tours de scrutin ?
Devra-t-on faire adopter le programme du parti avant les primaires ? Et dans
l’affirmative, comment obtenir de l’heureux élu qu’il s’y conforme ? On le voit,
rien n’est simple.

QUI EST POUR ? A priori, les pro-primaires sont aujourd’hui les plus nombreux.
Parmi les plus chauds partisans, on recense les signataires de la motion E de
Ségolène Royal, les strauss-kahniens de toutes obédiences et les amis d’Arnaud
Montebourg qui, après la VI ème République, se considère investi d’une nouvelle
mission historique. Les partisans de Benoît Hamon ne sont pas contre.

QUI N’EN VEUT PAS ?  François Hollande est opposé aux primaires au nom du
maintien de la primauté des militants. Et peut-être aussi parce que sa cote de
popularité dans l’opinion lui offre assez peu de chances d’être plébiscité par
les sympathisants. Pour les mêmes raisons, Laurent Fabius voit les primaires
ouvertes d’un très mauvais œil. Cela posé, on peut retourner le compliment et
remarquer que les personnalités les plus en cour dans les sondages – Ségolène
Royal mais aussi DSK – sont celles qui réclament l’organisation de ces primaires
avec le plus d’insistance. Reste le cas de Bertrand Delanoë. Evoquer la
désignation du candidat socialiste à la présidentielle par les sympathisants
peut provoquer des montéers d’urticaire dans les rangs de sa  famille d’origine,
celle des jospiniens. Or, le maire de Paris sait aussi qu’il est sans doute plus
populaire dans l’opinion publique que dans les rangs de son propre parti. Alors,
il préfère dégager très loin en touche lorsqu’on lui pose la question…

ET QU’EN PENSE MARTINE AUBRY ?
Cette problématique va à l’encontre de la
stratégie de la première secrétaire qui, soucieuse de conserver tout son petit
monde autour d’elle, se garde bien d’évoquer la perspective de la
présidentielle. C’est pourquoi elle a réprimandé Arnaud Montebourg, trop prolixe
à son goût à propos des primaires. Et décidé de repousser à la fin de l’année
l’organisation de la convention consacrée à la rénovation qui devra faire
trancher la question par les adhérents.
En conférence de presse, chaque fois que les primaires reviennent sur le tapis,
Martine Aubry répond que d’autres dossiers sont plus urgents. Pour elle, il faut
d’abord rénover le parti et son programme avant de se préoccuper de la
désignation de son champion. Ce raisonnement, qui a sa logique, indique que la
première secrétaire ne considère pas les primaires ouvertes comme un élément
central de la modernisation du PS. Dans son entourage, on juge qu’il serait
«anormal » d’accorder au sympathisant « qui ne s’est donné que le mal de se
déplacer » un pouvoir de décision égal à celui du militant dévoué et fidèle.
Peut-être, Martine Aubry considère-t-elle que donner les clés de 2012 aux
sympathisants avantagerait Ségolène Royal alors que le vote des adhérents du
parti lui serait plus favorable. Une opinion qui pourrait évoluer si,
d’aventure, la maire de Lille prenait de l’assurance à la tête du PS.

Jean-Michel Normand

Publié dans Articles de presse

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