Le double enjeu de Segolène Royal

Publié le par Désirs d'avenir Paris 16

    Les conséquences dramatiques de la tempête Xynthia sur le littoral de Charente-Maritime ont ouvert une parenthèse dans la campagne des régionales en Poitou-Charentes. D'un commun accord, les principaux protagonistes ont décrété une trêve. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et chef de file de l'UMP, a fait savoir qu'il suspendait "quelques jours" ses activités électorales dans le département de Charente-Maritme dont il préside le conseil général.

Le Poitou-Charentes est la première région pour la production de lait de chèvre, la deuxième pour les céréales, la quatrième pour la production viticole. 


 Quant à
Ségolène Royal, présidente du conseil régional, elle a souhaité que "les élus soient solidaires et le plus efficaces possible" face aux événements, et plaidé pour que la campagne "change de nature" et devienne "beaucoup plus pudique". Alors que les relations entre les deux personnages sont notoirement mauvaises, M. Bussereau a indiqué avoir reçu lundi 1er mars, un appel téléphonique "très sympathique" de son adversaire socialiste. Mme Royal, qui a installé à La Rochelle une "antenne d'urgence" pour assurer la coordination des services de la région, souhaitait lui dire sa "solidarité" et "sa disponibilité".



En Poitou-Charentes, l'ouverture de la campagne, émaillée de dérapages verbaux, avait été agitée. M. Bussereau avait qualifié de "harkis" les représentants du MoDem ralliés à Ségolène Royal ; le maire socialiste d'Angoulême a comparé les jeunes UMP, coupables d'avoir détourné des photos personnelles diffusées par l'élu sur Facebook, aux "Jeunesses hitlériennes" ; et le maire (divers droite) de Lagord (Charente-Maritime) a assimilé la gestion de la région à "une dictature du prolétariat"... Ces éclats de voix étaient rapidement retombés avec l'irruption du dossier Heuliez dans la campagne électorale qui a vécu un rebondissement, lundi 1er mars, avec l'abandon de
Bernard Krief Group, premier repreneur désigné au bénéfice du fonds d'investissement Brightwell. Entre Mme Royal, qui a fait de ce dossier la figure de proue de son engagement en faveur de "la croissance verte", et M. Bussereau la rivalité est feutrée mais intense. La présidente, qui a fait entrer la région dans le capital d'Heuliez en y consacrant 5 millions d'euros, n'a cessé de faire pression sur le ministère de l'industrie pour obtenir des aides publiques. D'où un conflit permanent avec M. Bussereau, représentant du gouvernement.


En tête dans les sondages, Ségolène Royal s'efforce de mettre de côté son statut de personnalité politique nationale. Au terme d'une année 2009 au cours de laquelle ses relations avec les dirigeants socialistes se sont tendues, la présidente assure vivre cette campagne comme un ressourcement. "Ici, je fais de la politique comme j'ai envie de le faire, loin des archaïsmes", insiste-t-elle. Mme Royal a pris soin de jalonner son parcours picto-charentais de mesures à forte portée symbolique. Le sauvetage d'Heuliez, le bâtiment écologique du lycée Kyoto, les toitures couvertes de cellules photovoltaïques mais aussi le "passe contraception" pour les lycéennes ou le microcrédit pour les ménages en difficulté.


"Bilan décevant"
, juge cependant
Dominique Bussereau, qui y voit "un saupoudrage pour amuser les gogos et les bobos". Il reproche même à la présidente de ne pas avoir augmenté la fiscalité. "Le Poitou-Charentes est désargenté. Il a fallu insister pour que la région participe au financement de la ligne TGV vers Bordeaux et les lycées doivent puiser dans leur fonds de réserve budgétaire", assure-t-il. "Le plan photovoltaïque est un miroir aux alouettes, toutes les régions en font autant" renchérit Henri de Richemont, tête de liste UMP en Charente. Selon lui, "il faut recentrer la région sur ses missions premières : l'éducation, la formation, les transports".


Faute d'avoir pu fédérer la majorité sortante, Ségolène Royal a lancé une vaste opération de recrutement. Elle a obtenu le ralliement de plusieurs élus sortants écologistes, d'un ex-communiste, de deux dirigeants syndicaux s'étant illustrés lors des conflits sociaux chez Heuliez mais aussi chez
New Fabris, à Châtellerault. Elle a surtout vu se rallier à elle plusieurs responsables du MoDem. Début décembre, en proposant publiquement cinq places éligibles aux centristes alors que le congrès du parti de François Bayrou était réuni à Arras (Pas-de-Calais), l'ex-candidate à l'élection présidentielle a confirmé son aptitude à surgir là où on ne l'attend pas.



Lancée de manière tonitruante, l'offre a été acceptée après un vote majoritaire par le
MoDem de Charente-Maritime. En élargissant son assise politique dès le premier tour, Mme Royal fait entendre sa différence mais s'attire aussi les foudres de ceux qui dénoncent des "débauchages".

Françoise Coutant, tête de liste régionale d'Europe Ecologie, s'alarme d'une "tentative de fragmentation des partis politiques" derrière laquelle elle discerne "un comportement dangereux pour la démocratie".
Dans les rangs socialistes, l'obligation de faire de la place aux nouveaux alliés provoque aussi des réactions hostiles. "Au soir du premier tour, quand on aura besoin de faire des offres collectives après avoir déjà fait des offres individuelles, combien restera-t-il de socialistes parmi les candidats ?", interroge
Pouria Amirshahi, premier secrétaire fédéral de Charente. Il faudra, en effet, réaliser la jonction avec les listes d'Europe Ecologie, du Front de gauche et peut-être aussi du MoDem "officiel" qui, malgré les défections, n'exclut pas de rejoindre une liste d'union de la gauche au second tour. A la veille de déposer ses listes, la présidente sortante a donc dû revoir certains arbitrages... quitte à rogner sur le nombre de places éligibles initialement promises aux MoDem ralliés à sa cause.


Pour Ségolène Royal, il s'agit de creuser l'écart dès le 14 mars avec la droite, mais aussi avec ses alliés de gauche dont certains pourraient éprouver des difficultés à franchir la barre fatidique des 5 % qui autorise la fusion des listes. Pour le deuxième tour, son secret espoir est non seulement de faire mieux qu'en 2004 (55,1 %) mais aussi de réaliser l'un des meilleurs scores - voire le meilleur -, parmi les présidents de région socialistes. Car ce scrutin doit aussi sonner le grand retour de Mme Royal dans le jeu national. Avec, comme ligne d'horizon, les primaires qui désigneront le candidat socialiste pour 2012.



                                                                                                 Jean-Michel Normand

Publié dans Parti socialiste 16è

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