Ségolène Royal, la stratégie de l'hélicoptère

Publié le par Désirs d'avenir Paris 16

  Cécile AMAR  (Le Journal du Dimanche)

  La présidente de Poitou-Charentes se place désormais au-dessus de la mêlée. Loin des querelles intestines du PS.
Retour aux sources, à cette politique à l'ancienne apprise méthodiquement aux côtés de François Mitterrand, ce président tant admiré. Ségolène Royal avait bluffé "le Vieux" quand elle avait été élue députée des Deux-Sèvres en 1988.


La jeune énarque biberonnée à l'Elysée avait gagné sur des terres de droite, elle était donc faite pour la politique. Ségolène Royal n'a jamais oublié les leçons mitterrandiennes, elle n'en finit pas de labourer son fief picto-charentais. Symboliquement, elle ne s'en éloignera jamais cet été: elle prend des vacances; mais "une à deux fois par semaine", la présidente de région, candidate pour un nouveau mandat, se montrera sur ses terres électorales.

Au fond, les campagnes, c'est ce qu'elle préfère, elle qui fuit comme la peste tout ce qui pourrait la ramener aux "courants, sous-courants, batailles internes du Parti socialiste dans lesquelles elle ne veut pas s'abîmer", selon Dominique Bertinotti, une de ses proches. Après 2002, elle avait déjà l'intuition que "le PS pouvait disparaître". Ce sentiment de la fragilité des organisations politiques ne l'a jamais quittée. "Ségolène ne veut pas ajouter de la casse à la casse, décrypte son ami Jean-Pierre Mignard. Elle a conscience de la fragilité du parti, elle sait que les batailles de courants achèveraient le malade, elle s'impose donc un devoir de réserve." Et elle n'a pas vraiment à se forcer. "Ségolène est intrinsèquement, profondément transcourant, analyse la députée Delphine Batho, qui lui a succédé dans les Deux-Sèvres. Elle n'a jamais aimé les querelles intestines."

Ségolène Royal ou la stratégie de l'hélicoptère. L'ancienne candidate à la présidentielle vole au-dessus des autres. Elle est ailleurs, avance et ne veut pas descendre dans l'arène socialo-socialiste. Elle ouvrira l'université d'été du PS à La Rochelle, comme tous les ans depuis 2004, en tant qu'hôte. Et si, cette année, Martine Aubry veut être à ses côtés, elle ne dira pas non. Tout comme elle n'a évidemment pas dit non au poste de vice-présidente de l'Internationale socialiste et aux moyens afférents.

"Ségolène est devenue madame Loyale"

"Elle travaille, elle est sympa, elle rigole", n'en revient toujours pas Jean-Christophe Cambadélis, responsable des relations internationales du PS, pourtant peu suspect de royalisme. En marge d'une réunion au Monténégro, ils ont même fait du bateau ensemble! "Ségolène est devenue madame Loyale. Et depuis sa défaite au congrès de Reims, elle fait un sans-faute. Sur le fond, elle épouse les radicalités ; sur la forme, elle est d'une loyauté absolue. Elle veut rester un cran au-dessus de la mêlée", admire Pouria Amirshahi, premier secrétaire fédéral de Charente et dirigeant national pourtant proche de Benoît Hamon.

"Je fais aux autres ce que j'aurais voulu qu'on me fasse", dit souvent l'ancienne candidate à la présidentielle, qui a souffert de ne pas être totalement soutenue par les siens. "Ségolène a passé le cap post-présidentiel, ce lourd fardeau plus dur à porter qu'on ne l'a imaginé, confie Jean-Pierre Mignard. Cette amertume de ne pas être accueillie par son camp comme elle aurait dû l'être est finie. Aujourd'hui, sa cuirasse est plus épaisse, mais demeure une certaine mélancolie, le sentiment d'une chance gâchée." Ségolène veut tourner la page, celle des divisions et des défaites. Un PS qui n'en finit pas de se quereller, des petites phrases qui couvrent la parole du parti, une réflexion de fond quasi inexistante, sans oublier le déficit écologique du PS, voilà pour elle la leçon des européennes. "Tout y est", a confié Royal à ses proches le soir de la débâcle. L'antimodèle en quelque sorte, le contraire de ce qu'elle veut faire aux régionales.

Une vraie écolo

Elle sait qu'une victoire en mars prochain serait son meilleur tremplin pour revenir au centre de la gauche. L'économie, l'écologie, le social, la région comme source de protection face à la crise, autant de thèmes qu'elle mettra en avant. Même les Verts le reconnaissent, l'ancienne ministre de l'Environnement de Mitterrand est une vraie écolo. Mais cela ne devrait pas suffire à ce qu'ils s'allient avec elle au premier tour. "Dans un autre contexte politique, les choses auraient pu être différentes, reconnaît Cécile Duflot, patronne des Verts. Les élus qui ont travaillé avec elle ont eu plus d'écoute qu'ailleurs." "Face à Ségolène, on ne mènera pas la même campagne que face à un socialiste ringard. On dira qu'un bon score de l'écologie politique est une garantie pour aller plus loin, et on verra si ça marche", prédit Dany Cohn-Bendit. Socialiste différente, certes, mais socialiste quand même.


                                                                                                                                                              Cécile AMAR
                                                                                                                                                       Le Journal du Dimanche

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