Pour une nouvelle définition du progrès à gauche

Publié le par Désirs d'avenir Paris 16

Avant de partir en vacances loin de ce blog , une dernière reflexion en forme de question élaborée par deux animatrices de DA-Paris.
Bonne lecture et bonnes vacances! 

Auteurs : Annick Bleugat et Lucile Bourquelot


Faute d'une réflexion sur le monde du XXIème siècle, le PS ne peut jouer son rôle d'opposant constructif et, par là, crédible. Si nous voulons être encore des progressistes, il est urgent de construire de nouveaux instruments de mesure du progrès.

Aux élections européennes, les électeurs ont sanctionné peut-être l'incertain engagement européen de notre parti, mais surtout l'absence d'une culture écologique nationale au parti socialiste. C'est cette lacune qui est responsable du changement de rapport de forces entre notre parti et l'alliance écologique. Certes une culture écologique existe au PS, mais c'est dans les territoires qu'elle s'est construite et qu'elle a inspiré des politiques favorables au développement durable, comme on peut le voir à des degrés divers dans nombre de communes et de régions gérées par notre parti, et comme Ségolène Royal le démontre excellemment en Poitou-Charentes.

Le parti socialiste est muet aussi sur une autre problématique sur laquelle le Président de la République a précisément mandaté en 2008 la commission dite Stiglitz, du nom du Prix Nobel d'économie qui y participe. Cette commission, dont le rapporteur est l'économiste Jean- Paul Fitoussi, devait réfléchir sur les limites des instruments actuels de mesure des performances économiques et du progrès social. Il s'agit de détrôner le PIB de sa position d'unique indicateur de la richesse d'une nation, et, à cette fin, d'introduire des indicateurs nouveaux .Cette démarche procède de celle qu'a initiée un autre prix Nobel d'économie, l'Indien Amartya Sen, afin de mesurer le développement humain et de procéder ainsi à la réévaluation de la richesse. Le PNUD (programme des Nations Unies pour le Développement) a déjà adopté ces indicateurs. La commission Stiglitz conclut ses travaux en réservant aux experts la mission, de construire ces nouveaux outils de gouvernement. Mais, proche de nous, le collectif FAIR (Forum pour d'autres indicateurs de richesse), qui regroupe des chercheurs de gauche s'est constitué parallèlement à la commission pour rassembler et valoriser les travaux existant déjà sur ces sujets. Avec l'objectif de faire participer la société civile à l'élaboration des indicateurs qui la concernent, en somme de reconnaître l'expertise citoyenne.

Sur ces projets qui engagent la politique du nouveau siècle quelle est la position du parti socialiste ?

Le collectif Utopia s'est déjà réfèré aux nouveaux indicateurs de richesse et la contribution "Combattre et proposer", présentée par Ségolène Royal en juin 2008, en a abordé le sujet. Mais désormais c'est une grande étape qui a été franchie par le diagnostic lucide aujourd'hui posé publiquement par la commission Stiglitz en établissant que ce sont les instruments de mesure liés au PIB qui nous ont rendus presque aveugles au surgissement des crises. Qu'attend le Parti Socialiste pour s'emparer des travaux de la commission Stiglitz et bien évidemment de ceux regroupés par FAIR, afin de réagir et de produire des propositions de gauche pour gouverner dans le monde actuel et dans celui qui vient. Nous sommes en train de prendre du retard.

Pour l'instant , à gauche, la parole est restée confinée dans les collectifs citoyens et dans les réseaux des chercheurs. Les indicateurs économiques qui dominent la pratique politique restent la référence y compris à gauche. Constatons qu'ils ne nous disent rien des inégalités, de l'urgence environnementale, ni des dégâts accomplis dans ce domaine, ils ne nous disent rien des biens communs, ni, en somme du bien-être pour tous dans un environnement préservé et partagé. Pire: ils ne nous envoient même pas les signaux nécessaires pour agir et prévenir les crises.

Notre député Pierre-Alain Muet, qui a travaillé sur ces nouveaux indicateurs, doit-il rester isolé? Et la philosophe Dominique Méda, membre de FAIR, qui a expliqué dans plusieurs ouvrages la nécessité de ce changement de perspective, n'est pas loin de nous non plus, qui compte sur nous pour faire évoluer les esprits. Au sein même du parti, instance discrète mais studieuse, tous courants confondus, le CESC (Conseil Economique, Social et Culturel du PS) a engagé la réflexion dans sa commission "Europe et mondialisation: pour un développement humain et durable".

Car nous avons notre mot à dire, nous militants, nous citoyens. Ces indicateurs sont souvent au ras du quotidien, dans la vie concrète, à identifier dans des territoires circonscrits, et non seulement ils peuvent, mais ils doivent être élaborés collectivement pour rendre fidèlement compte de la réalité.

Sur la participation des citoyens en effet, hors de la gauche, la réflexion avance aussi.

 La position de FAIR n'est plus isolée. Au début de cette année 2009, c'est le Premier Ministre qui a saisi le CESE (Conseil Economique, Social et Environnemental) de ces questions: "De quelle information les hommes politiques, les citoyens et les acteurs économiques doivent-ils disposer pour prendre des décisions ou adopter des comportements favorables à un développement durable? Quels indicateurs phares doit-on retenir pour envoyer les signaux les plus lisibles? L'empreinte écologique doit-elle en faire partie?". Le CESE a rendu son rapport fin mai. A la différence de la commission Stiglitz, pour l'élaboration et l'évaluation des indicateurs de développement durable, il préconise l'implication des citoyens, par le biais de jurys citoyens. Cela peut vous rappeler quelques propositions nées dans notre parti et qui n'y ont pas fait l'unanimité. Mais ces polémiques sont aujourd'hui bien dépassées.

Enfin Joseph Stiglitz et Amartya Sen posent tous deux une question fondamentale: celle du progrès. Comment repenser le progrès pour l'humanité aujourd'hui dès lors que nous aurons renoncé à l'assimiler à la croissance économique mesurée en variations du PIB?

Pour les socialistes, progressistes par définition, c'est quoi le progrès aujourd'hui?

Sur toutes ces questions, nous appelons donc le parti socialiste à sortir avant tout de son silence. Il est urgent que nous posions ensemble les questions de notre temps, et que nous forgions ensemble les outils pour y répondre à gauche afin que, progressistes, dans la crise du capitalisme et sous la menace de la crise environnementale, nous soyons capables de proposer au pays une nouvelle définition du progrès.


                                                                                             Annick Bleugat et Lucile Bourquelot

 

Publié dans Parti socialiste 16è

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