Centres de rétention : la Cimade dénonce la "mascarade" de l'appel d'offre

Publié le par Désirs d'avenir Paris 16

Le ministre de l'immigration, Eric Besson, devra attendre que le juge se prononce avant de pouvoir signer les contrats avec les nouvelles associations appelées à intervenir en centre de rétention administrative (CRA). Après la décision, vendredi 10 avril, du gouvernement de partager entre six prestataires cette mission d'assistance aux étrangers en rétention, la Cimade, seule intervenante jusqu'alors dans les centres, a en effet décidé de déposer ce qu'on appelle un recours en référé "pré-contractuel" auprès du tribunal administratif de Paris.

L'association conteste l'ensemble de la procédure d'appel d'offre qui a conduit le ministère à éclater la mission entre plusieurs prestataires, en répartissant en huit lots la trentaine de centres répartis à travers la France. "L'enjeu n'est pas la fin du monopole de la Cimade, comme le laisse entendre la communication du ministère depuis le départ. Mais cette procédure vise à désintégrer le contre-pouvoir des ONG et interdire une défense efficace des personnes placées en rétention", ont expliqué, mercredi 15 avril devant la presse, son président, Patrick Peugeot, et son secrétaire général, Laurent Giovannoni.

Pour la Cimade, l'éclatement de la mission va de fait rendre beaucoup plus difficile l'aide individuelle apportée aux étrangers menacés d'expulsion. "Aucune association n'aura les moyens de mettre en place une véritable plate-forme de soutien juridique aux personnes mettant en œuvre la mission dans les centres de rétention, relève Damien Nantes, chargé de la coordination entre les CRA à la Cimade. Et aucune n'aura une vision d'ensemble de ce qui se passe dans l'ensemble des centres."

"LA MASCARADE" DE LA NOTATION

En révélant vendredi le nom des six futures associations devant intervenir en rétention désormais, le ministre a annoncé vouloir mettre en place un dispositif de coordination afin de "faciliter l'échange de bonnes pratiques, la connaissance de la réglementation ainsi que la mutualisation de formations et compétences, et de permettre des échanges réguliers et approfondis entre associations".

Mais pour la Cimade, la situation de dépendance vis à vis des pouvoirs publics dans laquelle vont ainsi se retrouver les acteurs n'est pas compatible avec la mission même d'assistance aux étrangers menacés d'expulsion. "L'assistance que nous apportons à ces personnes en les aidant à rédiger un recours, une demande d'asile, à défendre leurs droits, nous porte à être en conflit avec l'administration. Mais c'est un conflit naturel puisque cette aide freine, voire peut empêcher la procédure d'expulsion", explique Damien Nantes.

L'objectif poursuivi par le gouvernement se lit, pour la Cimade, dans "la mascarade" de la notation à laquelle celui-ci a procédé pour sélectionner les prestataires. Ayant reçu un courrier de réponse du ministère pour les seuls lots pour lesquels elle n'a pas été sélectionnée, l'organisation se dit pour le moins surprise par les notes qui lui ont été attribuées sur les différents critères retenus dans l'appel d'offre, et notamment sur la "compréhension des enjeux et engagement de service".

Pour les centres de Lille, Metz et Geispolsheim, près de Strasbourg (lot 2) par exemple, la Cimade se voit attribuer pour ce critère 18, tandis que l'Ordre de Malte, retenu pour y intervenir, obtient 21. Au final toutefois, sur l'ensemble des critères, seule un demi-point sépare les deux associations. Sur les lots 3 (CRA de Lyon, Marseille et Nice) et 7 (CRA de Palaiseau, Plaisir, Coquelles et Rouen-Oissel), la Cimade se voit distancer respectivement de deux points par Forum réfugié et d'un demi-point par France Terre d'asile, ayant là encore moins bien compris les enjeux. Mais c'est pour les centres d'outre-mer (lot 5) que la Cimade a, selon le ministère, le moins bien saisi les enjeux (12,5), le prestataire retenu, le Collectif Respect obtenant, lui, 18. Mercredi 15 avril, une trentaine d'associations ont d'ailleurs dénoncé dans un communiqué, cette attibution au Collectif Respect, association jusqu'alors inconnue des principaux acteurs de la défense des droits des étrangers.

"Nous ne sommes pas opposés au partage de notre rôle en rétention mais la mission doit être assurée par plusieurs associations dans le cadre d'une coordination, sur l'ensemble des centres de rétention", a tenu, mercredi, à redire le président de la Cimade, Patrick Peugeot, rappelant que la Cimade avait proposé que soit mise en œuvre une "mission nationale cohérente assumée conjointement par plusieurs associations". Cette proposition n'a jamais reçu de réponse du gouvernement.

                                                                                                                                          Le Monde      Laetitia Van Eeckhout

Publié dans Nouvelles du jour

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Appel d'offres "centre de rétention"..... "L'enjeu n'est pas la fin du monopole de la Cimade, comme le laisse entendre la communication du ministère depuis le départ. Mais cette procédure vise à désintégrer le contre-pouvoir des ONG et interdire une défense efficace des personnes placées en rétention".
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